Même si,
Tout comme vous, je suppose,
J’ignore la raison profonde de ma visite en ces lieux,
Je me permets de penser quand même que :
Nous ne sommes pas venus sur terre,
Pour seulement acheter
L’ultime mouture
Du dernier bipode à cristaux liquides venu,
Le tout nouveau
Cercueil à roulettes à la mode,
Ou le dernier cri de la veuve Cliquot.
Nous ne sommes pas venus sur terre,
Pour seulement parader
Dans une jolie automobile à pistons chromés,
Pendant que des petits malins dans l’ombre
Tirent les ficelles,
Pour nous faire marcher sur la tête,
Et boire par les narines.
Nous ne sommes pas venus sur terre,
Pour seulement bénéficier
D’une remise de 5% sur un rouleau de papier hygiénique,
Ou d’une ristourne alléchante
Sur le troisième pot à leurres en plastique rose,
Et pour finir,
En bout de chaine d’une existence en rabais exponentiel,
Compactés et lyophilisés sur une étagère en sapin.
Nous ne sommes pas venus sur terre,
Pour seulement profiter
D’une bonne mutuelle
Avec une excellente couverture dentaire,
Et flétrir solitaire
Dans l’aile arrière
D’un asile immaculé et taciturne.
Nous ne sommes pas venus sur terre,
Pour seulement jouir,
Une poignée d’années,
D’une retraite à taux plein,
Après nous être fait vider complètement de nous-mêmes,
Pendant presqu’un demi-siècle,
De labeur quotidien.
Nous ne sommes pas venus sur terre,
Pour seulement multiplier
Des dentelles de zéros,
Sur un compte en banque en papier filigrané,
Qui,
De toutes les façons
Se métamorphosera,
Un jour ou l’autre,
Comme nous tous,
En un petit agrégat de poussière,
Dans la tourbière des siècles.
Même si,
Tout comme vous, je suppose,
J’ignore la raison de ma visite en ces lieux,
Je suis, au moins,
A peu près sûr de cela.
Claude Ledron.