L’argent !
Encore l’argent !
Toujours l’argent !
Rien que l’argent !
A les écouter
Le monde aurait été enfanté
Par un carnet de chèques
L’homme façonné avec un billet de banque
Et la femme
Ne serait qu’une commission sur vente.
A les entendre
Le soleil serait de l’or en barres
La pluie de la menue monnaie
Le ciel un guichet de casino
Et le vent le bavardage futile d’un courtier paresseux
Quelle est donc cette folie ravageuse
Qui se masque souvent derrière la terrible massue de la raison dominante ?
» L’argent est la clef du monde »
» Sans argent tu n’existes pas »
» Arrête de rêver et vient ramper sur terre comme tout le monde »
» Sois réaliste, tu ne peux pas changer l’ordre des choses »
» Pauvre fou ! »
» Tu verras quand tu seras vieux, seul, pauvre et malade »
L’argent
Encore l’argent
Toujours l’argent
Rien que l’argent !
A les écouter
On pourrait croire
Que toute la magie de l’univers peut tenir sur la micro-puce d’une carte de crédit
Que la vie est un contrat mal négocié
Demain une avance sur salaire
La musique une juteuse machine à sous
L’amitié un investissement à perte
L’amour tout au plus une périlleuse cotation boursière
Et un simple rire jailli tout droit du cœur un bon filon à creuser
A les entendre
Dieu ne serait que le caissier de la Galaxie
Wall street la maison-mère du bonheur
Las Vegas une succursale du Paradis
Mercedes Benz la clef de la béatitude
Et tout le reste chimères néant et illusion.
Quelle est donc cette folie meurtrière
Qui corrompt en silence le cœur des hommes crédules ?
Qui déchire méticuleusement le monde
De l’est à l’ouest
Du nord au sud
De Washington à Ouarzazate
De l’Oural à Cap Canaveral
A tous les coins de rue
Dans nombre de familles
Sur tous les podiums de l’iniquité
Sous la langue de plomb des marchands de canons
A l’ombre de tant de crimes?
L’argent !
Encore l’argent !
Toujours l’argent !
Rien que l’argent !
« L’argent est le maître du monde »
Mensonge diabolique !
Arrogance suprême !
Paroxysme de la démence !
L’argent !
Encore l’argent !
Toujours l’argent !
Rien que l’argent !
En vérité je l’affirme haut et fort (faisant fi des rires moqueurs des possédants possédés et négligeant les regards acides des courtisanes déculottées)
L’argent est le fils bâtard de l’injustice
Le père de toutes les guerres
La quintessence de la démence des hommes
L’argent tue notre humanité
L’argent mange le monde à pleines dents
Et les hommes,
A genoux devant la Bête immonde et malfaisante
L’âme enchaînée à l’apocalyptique mathématique
Dans une nuit sans fin
Se sont engouffrés…
Claude Ledron